Si la désignation du propriétaire d’un bien ne soulève, dans la majorité des cas, aucune difficulté, il en va différemment concernant le propriétaire de l’image d’un bien.
Le droit de propriété est régit par l’article 544 du code civil qui, traditionnellement, n’avait vocation à s’appliquer qu’en matière de biens corporels ou incorporels ; l’image du bien étant elle protégée par le droit de la propriété intellectuelle.
La jurisprudence de la Cour de Cassation a, ces dernières années, considérablement modifié cette répartition des compétences.
Dans un arrêt du 10 mars 1999 (« Café Gondrée), la première chambre civile de la Cour de Cassation rend une décision surprenante.
Le café Gondrée est le premier bâtiment délivré par les troupes alliées en 1944 et l’exploitant de cet établissement commercialisait des cartes postales avec l’image de son commerce. Le propriétaire du café se rendant compte qu’un tiers faisait de même, l’assigna en responsabilité.
Cette affaire aurait manifestement due être tranchée sur le terrain du droit de la propriété intellectuelle ou du droit de la concurrence mais la cour de cassation se fonda sur le droit des biens et l’article 544 du code civil.
La cour décida que le propriétaire d’un bien peut interdire les tiers d’en exploiter l’image.
Cette décision eût pour conséquence une multiplication des actions en justice.
Par un arrêt en date du 25 janvier 2000, la Cour de Cassation précisa sa jurisprudence en posant une condition au principe établi : le bien, objet du litige doit constituer le sujet principal de l’image, de la photo.
On pouvait cependant redouter les conséquences d’une telle jurisprudence.
Par exemple, l’Institut Géographique National prend de nombreuses photos aériennes avec des agrandissement et il lui serait quasiment impossible de, ou à tout le moins extrêmement fastidieux, de demander l’autorisation de tous les propriétaires des biens photographiés, objet principal des photographies !
Ainsi, la Cour de Cassation posa une autre condition supplémentaire dans un arrêt en date du 2 mai 2001 : le bien objet du droit de propriété doit être l’élément principal de l’image mais pour qu’une action du propriétaire soit recevable, celui-ci doit démontrer que la reproduction lui cause un préjudice ou un trouble d’exploitation.
Il n’en demeure pas moins que les difficultés liées à cette jurisprudence ne sont pas résolues : la Cour de Cassation a été bien mal inspirée de faire application du droit des biens là où aurait du s’appliquer le droit de la propriété intellectuelle.
Par un arrêt récent en date du 5 juin 2003, la Cour de Cassation semble modifier sa position : elle considère que le motif selon lequel le droit à l’image d’un bien serait un attribut du droit de la propriété est un motif « erroné ».
Selon cette dernière décision, l’objet du droit n’est donc pas l’image du bien mais le bien lui-même, l’image ne pouvant appartenir qu’à celui qui la réalise en sa qualité d’auteur et non au propriétaire du bien objet de ladite reproduction.
La Cour revient alors à une position plus traditionnelle qui laisse au droit de la propriété intellectuelle la gestion de l’image des biens, régit eux par le droit de propriété.
Un bémol toutefois : cette dernière décision a été rendue par la deuxième chambre civile alors que toutes les précédentes ont été rendues par la première chambre, le maintien d’une divergence des solutions entre ces deux chambres n’est donc pas à exclure en l’état des décisions rendues à ce jour.